Robert Boyer sur le capitalisme et la pandémie Pour qualifier la crise que nous traversons, les économistes oscillent entre « crise sans précédent », « récession la plus grave depuis 1929 », ou encore « troisième crise du siècle » – après celles des subprimes de 2008 et de l’euro en 2010. Qu’en pensez-vous ? Le terme de « récession » s’applique au moment où un cycle économique, arrivé à une certaine étape, se retourne pour des raisons endogènes – ce qui suppose que l’étape suivante sera mécaniquement la reprise, également pour des raisons endogènes, avec un retour à l’état antérieur. Or il ne s’agit pas ici d’une récession, mais d’une décision prise par les instances politiques de suspendre toute activité économique qui ne soit pas indispensable à la
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Lars Pålsson Syll considers the following as important: Economics, Politics & Society
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Robert Boyer sur le capitalisme et la pandémie
Pour qualifier la crise que nous traversons, les économistes oscillent entre « crise sans précédent », « récession la plus grave depuis 1929 », ou encore « troisième crise du siècle » – après celles des subprimes de 2008 et de l’euro en 2010. Qu’en pensez-vous ?
Le terme de « récession » s’applique au moment où un cycle économique, arrivé à une certaine étape, se retourne pour des raisons endogènes – ce qui suppose que l’étape suivante sera mécaniquement la reprise, également pour des raisons endogènes, avec un retour à l’état antérieur. Or il ne s’agit pas ici d’une récession, mais d’une décision prise par les instances politiques de suspendre toute activité économique qui ne soit pas indispensable à la lutte contre la pandémie et à la vie quotidienne.
La persistance d’un vocabulaire économique pour désigner une réalité politique est étonnante. On a parlé de « soutien » à l’activité, alors qu’il s’agit plutôt d’une congélation de l’économie. Le plan de « relance » est en fait un programme d’indemnisation des entreprises pour les pertes subies, mené grâce à l’explosion des dépenses budgétaires et au relâchement de la contrainte de leur refinancement par les banques centrales …
La destruction de capital et de revenus est d’ores et déjà colossale – il faut donc s’attendre à une baisse durable du niveau de vie moyen. Et on ne peut guère compter sur la libération soudaine de l’épargne bloquée pendant le confinement parce que, étant donné la transformation du chômage partiel en chômage tout court du fait de l’accumulation des pertes. Cette épargne devrait se muer en épargne de précaution, qui ne sera libérée qu’une fois la confiance revenue.
La stratégie économique guidée par l’idée qu’il s’agit d’une récession – et qu’il suffit donc de maintenir ce qui reste de l’économie en l’état, puis de relancer l’activité pour revenir à la situation antérieure … est de ce fait vouée à l’échec. L’année 2020 pourrait rester dans l’histoire non pas seulement comme celle d’un choc économique du fait des pertes, colossales, de PIB et de la paupérisation de fractions importantes de la société, mais encore comme le moment où des régimes socio-économiques, incapables d’assurer les conditions de leur reproduction, ont atteint leurs limites. Il n’y aura de « sortie de crise » que lorsque la transformation structurelle de l’économie qui est en train de se dérouler sous nos yeux sera suffisamment avancée.